IV.4 Nacht (de nuit)


Cette scène commence par le très célèbre monologue de Faust dans lequel il raconte toutes ses misères. Il a étudié beaucoup de choses, c'est un personnage reconnu et respecté pour sa sagesse, mais au fond de lui, il sait qu'il ne sait rien, que son métier de professeur est une tromperie, car en fait il ne enseigne rien de vraiment important à ses élèves. Sa sagesse ne lui sert qu'à voir que les autres en savent encore moins que lui. Il ne craint rien, ni l'enfer ni le diable, mais il est tellement désabusé de tout qu'il ne peut pas non plus profiter de la vie. Dans son désespoir, il utilise la magie pour invoquer un esprit et réussit à le faire. Mais cette apparition, au lieu d'alléger sa situation, l'aggrave, car Faust ne peut supporter cette apparition, il prend peur et l'esprit disparaît, de sorte que l'esprit non seulement n'a pas permis à Faust de dépasser ses limites, mais lui a fait sentir à nouveau ses limites.

On pourrait interpréter ce passage de la manière suivante. Les limites ne sont pas franchies par la magie ou la métaphysique, mais dans ce monde par des actes.

Dans cette situation agitée, Wagner apparaît. Wagner est le petit bourgeois typique, assez stupide pour être heureux. D'un point de vue sociologique, il s'agit d'une personne intéressante - et de nombreuses études scientifiques ont d'ailleurs été écrites sur ce type de personne. Il s'intéresse à tout, parce qu'au fond il ne s'intéresse à rien, il se réjouit de tout parce qu'il ne connaît pas de véritable passion, il se croit heureux, parce qu'il ne sait même pas ce qu'est le bonheur, il n'aspire à rien d'extraordinaire, parce qu'il lui manque la fantaisie d'aspirer à quelque chose d'extraordinaire, il n'est jamais agité, parce qu'il lui manque la sensibilité de sentir les contradictions existantes. C'est un homme-vache et comme une vache, il ne connaît ni la dépression ni la joie. Le monde dans lequel il vit est si éloigné de celui dans lequel vit Faust que leur dialogue ressemble à une discussion de sourds. Prenons un exemple.

FAUST: Faust:
Habe nun, ach! Philosophie
Juristerei und Medizin,
Und leider auch Theologie
Durchaus studiert, mit heißem Bemühn.
Da steh ich nun, ich armer Tor!
Und bin so klug als wie zuvor;
Heiße Magister, heiße Doktor gar
Und ziehe schon an die zehen Jahr
Herauf, herab und quer und krumm
Meine Schüler an der Nase herum-
Und sehe, daß wir nichts wissen können!
Das will mir schier das Herz verbrennen.
Zwar bin ich gescheiter als all die Laffen,
Doktoren, Magister, Schreiber und Pfaffen;
Mich plagen keine Skrupel noch Zweifel,
Fürchte mich weder vor Hölle noch Teufel-
Dafür ist mir auch alle Freud entrissen,
Bilde mir nicht ein, was Rechts zu wissen,
Bilde mir nicht ein, ich könnte was lehren,
Die Menschen zu bessern und zu bekehren.
Auch hab ich weder Gut noch Geld,
Noch Ehr und Herrlichkeit der Welt;
Es möchte kein Hund so länger leben!
Drum hab ich mich der Magie ergeben,
Ob mir durch Geistes Kraft und Mund
Nicht manch Geheimnis würde kund;
Daß ich nicht mehr mit saurem Schweiß
Zu sagen brauche, was ich nicht weiß;
Daß ich erkenne, was die Welt
Im Innersten zusammenhält,
Schau alle Wirkenskraft und Samen,
Und tu nicht mehr in Worten kramen.
O sähst du, voller Mondenschein,
Zum letzenmal auf meine Pein,
Den ich so manche Mitternacht
An diesem Pult herangewacht:
Dann über Büchern und Papier,
Trübsel'ger Freund, erschienst du mir!
Ach! könnt ich doch auf Bergeshöhn
In deinem lieben Lichte gehn,
Um Bergeshöhle mit Geistern schweben,
Auf Wiesen in deinem Dämmer weben,
Von allem Wissensqualm entladen,
In deinem Tau gesund mich baden!
Weh! steck ich in dem Kerker noch?
Verfluchtes dumpfes Mauerloch,
Wo selbst das liebe Himmelslicht
Trüb durch gemalte Scheiben bricht!
Beschränkt mit diesem Bücherhauf,
den Würme nagen, Staub bedeckt,
Den bis ans hohe Gewölb hinauf
Ein angeraucht Papier umsteckt;
Mit Gläsern, Büchsen rings umstellt,
Mit Instrumenten vollgepfropft,
Urväter Hausrat drein gestopft-
Das ist deine Welt! das heißt eine Welt!
Und fragst du noch, warum dein Herz
Sich bang in deinem Busen klemmt?
Warum ein unerklärter Schmerz
Dir alle Lebensregung hemmt?
Statt der lebendigen Natur,
Da Gott die Menschen schuf hinein,
Umgibt in Rauch und Moder nur
Dich Tiergeripp und Totenbein.
Flieh! auf! hinaus ins weite Land!

Ah ! philosophie,
jurisprudence et médecine,
pour mon malheur ! théologie aussi,
j’ai tout approfondi avec une ardeur laborieuse ;
et maintenant me voici là, pauvre fou !
aussi sage qu’auparavant.
Je m’intitule, il est vrai, maître, docteur,
et, depuis dix ans, deçà, delà,
en long, en large ,
je traîne mes élèves par le nez,
– et vois que nous ne pouvons rien savoir !…
Voilà ce dont mon cœur est presque consumé.
En effet, j’en sais plus que tous les sots,
docteurs, maîtres, clercs ou moines ;
aucun scrupule, aucun doute ne me tourmente,
je ne crains ni enfer ni diable, –
et, grâce à tout cela aussi, toute joie m’est ravie ;
je sens que je ne sais rien de bon ;
je sens que je ne puis rien enseigner aux hommes
pour les rendre meilleurs ou les convertir.
Aussi n’ai-je ni biens, ni argent, ni honneur,
ni crédit dans le monde ;
un chien ne voudrait pas de la vie à ce prix-là :
c’est pourquoi je me suis adonné à la magie.
Oh ! si par la force de l’esprit et de la parole,
certains mystères m’étaient révélés !
Si je n’étais plus obligé de suer sang et
eau pour dire ce que j’ignore !
Si je pouvais savoir ce que contient le
monde dans ses entrailles,
assister au spectacle de toute activité, de la fécondation,
et ne plus faire un trafic de paroles creuses !
Oh ! que tu jetasses
un dernier regard sur ma misère,
rayon de la lune argentée,
toi qui m’as vu tant de fois, après minuit,
veiller à ce pupitre ! alors c’était sur un amas de livres et de papiers,
ma pauvre amie, que tu m’apparaissais !
Hélas ! si je pouvais, sur les hauteurs des montagnes,
errer dans ta douce lumière,
flotter dans les grottes profondes avec les Esprits,
tourbillonner sur les prés dans ton crépuscule,
et, libre de toute angoisse de science,
me baigner, sain et sauf, dans ta rosée !
Malheur ! dois-je languir encore dans ce cachot ?
damné trou de muraille ténébreux,
où la douce lumière du ciel
ne pénètre elle-même que plombée, à travers des vitraux peints !
J’ai pour horizon cet amas de livres rongés par les vers,
couverts de poussière, et qu’un tas de papiers enfumés
entoure jusqu’au plafond.
Incessamment autour de moi des verres,
des boîtes, des instruments vermoulus,
héritage de mes ancêtres. –
Et cela est un monde !
cela s’appelle un monde !
Et tu demandes encore pourquoi ton cœur
se serre avec angoisse dans ta poitrine ?
pourquoi une douleur inexplicable
arrête en toi toute pulsation vitale, toi qui,
dans la fumée et la moisissure, au lieu de la nature vivante
au sein de laquelle
Dieu créa les hommes, n’as autour de toi
que squelettes d’animaux et ossements humains ?
Fuis ! courage ! alerte ! dans le libre espace !


C'est le dialogue de sourds le plus complet que l'on puisse imaginer. Wagner craint de ne pas pouvoir lire tous les livres avant de mourir, le Faust dit, que les livres ne contiennent pas la vérité. Wagner ne réagit pas, car il n'a même pas compris ce que Faust voulait dire, et répond que c'est un grand plaisir de lire comment les hommes ont vécu en d'autres temps et ce qu'un autre homme a pensé autrefois. Le Faust répond qu'il est impossible de savoir quoi que ce soit de l'histoire car les historiens présentent l'histoire comme cela leur convient, etc. Tous les dialogues entre Wagner et Faust sont des dialogues de sourds. Le scepticisme radical du Faust est si éloigné du monde petit-bourgeois de Wagner que celui-ci ne se rend même pas compte que le Faust remet en question tout ce en quoi il croit.

Après le départ de Wagner, la crise de Faust atteint son paroxysme et il tente de se suicider avec du poison. Il est empêché au dernier moment par un chœur d'anges qui lui rappelle son enfance, les moments calmes et doux qu'il a vécus.



FAUST: Faust:
Dies Lied verkündete der Jugend muntre Spiele,
Der Frühlingsfeier freies Glück;
Erinnrung hält mich nun, mit kindlichem Gefühle,
Vom letzten, ernsten Schritt zurück.
O tönet fort, ihr süßen Himmelslieder!
Die Träne quillt, die Erde hat mich wieder!
Cette cloche annonçait aussi les joyeux ébats de la jeunesse et les fêtes libres du printemps. Ce souvenir ranime en mon cœur les sentiments d’enfance et me détourne de la mort. Oh ! faites-vous entendre encore, chants célestes ! Une larme a coulé, la terre m’a reconquis.


  IV.4 Nacht (De noche)


Nacht. de nuit
In einem hochgewölbten, engen gotischen Zimmer Faust, unruhig auf seinem Sessel am Pulte. Dans une chambre haut-voûtée, étroite, gothique, Faust, inquiet, dans un fauteuil, à son pupitre.
FAUST:
Faust:
Habe nun, ach! Philosophie,
Juristerei und Medizin,
Und leider auch Theologie
Durchaus studiert, mit heißem Bemühn.
Da steh ich nun, ich armer Tor!
Und bin so klug als wie zuvor;
Heiße Magister, heiße Doktor gar
Und ziehe schon an die zehen Jahr
Herauf, herab und quer und krumm
Meine Schüler an der Nase herum-
Und sehe, daß wir nichts wissen können!
Das will mir schier das Herz verbrennen.
Zwar bin ich gescheiter als all die Laffen,
Doktoren, Magister, Schreiber und Pfaffen;
Mich plagen keine Skrupel noch Zweifel,
Fürchte mich weder vor Hölle noch Teufel-
Dafür ist mir auch alle Freud entrissen,
Bilde mir nicht ein, was Rechts zu wissen,
Bilde mir nicht ein, ich könnte was lehren,
Die Menschen zu bessern und zu bekehren.
Auch hab ich weder Gut noch Geld,
Noch Ehr und Herrlichkeit der Welt;
Es möchte kein Hund so länger leben!
Drum hab ich mich der Magie ergeben,
Ob mir durch Geistes Kraft und Mund
Nicht manch Geheimnis würde kund;
Daß ich nicht mehr mit saurem Schweiß
Zu sagen brauche, was ich nicht weiß;
Daß ich erkenne, was die Welt
Im Innersten zusammenhält,
Schau alle Wirkenskraft und Samen,
Und tu nicht mehr in Worten kramen.
O sähst du, voller Mondenschein,
Zum letzenmal auf meine Pein,
Den ich so manche Mitternacht
An diesem Pult herangewacht:
Dann über Büchern und Papier,
Trübsel'ger Freund, erschienst du mir!
Ach! könnt ich doch auf Bergeshöhn
In deinem lieben Lichte gehn,
Um Bergeshöhle mit Geistern schweben,
Auf Wiesen in deinem Dämmer weben,
Von allem Wissensqualm entladen,
In deinem Tau gesund mich baden!
Weh! steck ich in dem Kerker noch?
Verfluchtes dumpfes Mauerloch,
Wo selbst das liebe Himmelslicht
Trüb durch gemalte Scheiben bricht!
Beschränkt mit diesem Bücherhauf,
den Würme nagen, Staub bedeckt,
Den bis ans hohe Gewölb hinauf
Ein angeraucht Papier umsteckt;
Mit Gläsern, Büchsen rings umstellt,
Mit Instrumenten vollgepfropft,
Urväter Hausrat drein gestopft-
Das ist deine Welt! das heißt eine Welt!
Und fragst du noch, warum dein Herz
Sich bang in deinem Busen klemmt?
Warum ein unerklärter Schmerz
Dir alle Lebensregung hemmt?
Statt der lebendigen Natur,
Da Gott die Menschen schuf hinein,
Umgibt in Rauch und Moder nur
Dich Tiergeripp und Totenbein.
Flieh! auf! hinaus ins weite Land!
Und dies geheimnisvolle Buch,
Von Nostradamus' eigner Hand,
Ist dir es nicht Geleit genug?
Erkennest dann der Sterne Lauf,
Und wenn Natur dich Unterweist,
Dann geht die Seelenkraft dir auf,
Wie spricht ein Geist zum andren Geist.
Umsonst, daß trocknes Sinnen hier
Die heil'gen Zeichen dir erklärt:
Ihr schwebt, ihr Geister, neben mir;
Antwortet mir, wenn ihr mich hört!

(Er schlägt das Buch auf und erblickt das Zeichen des Makrokosmus.)
Ha! welche Wonne fließt in diesem Blick
Auf einmal mir durch alle meine Sinnen!
Ich fühle junges, heil'ges Lebensglück
Neuglühend mir durch Nerv' und Adern rinnen.

War es ein Gott, der diese Zeichen schrieb,
Die mir das innre Toben stillen,
Das arme Herz mit Freude füllen,
Und mit geheimnisvollem Trieb
Die Kräfte der Natur rings um mich her enthüllen?
Bin ich ein Gott? Mir wird so licht!
Ich schau in diesen reinen Zügen
Die wirkende Natur vor meiner Seele liegen.
Jetzt erst erkenn ich, was der Weise spricht:
"Die Geisterwelt ist nicht verschlossen;
Dein Sinn ist zu, dein Herz ist tot!
Auf, bade, Schüler, unverdrossen
Die ird'sche Brust im Morgenrot!"

(Er beschaut das Zeichen.)
Wie alles sich zum Ganzen webt,
Eins in dem andern wirkt und lebt!
Wie Himmelskräfte auf und nieder steigen
Und sich die goldnen Eimer reichen!
Mit segenduftenden Schwingen
Vom Himmel durch die Erde dringen,
Harmonisch all das All durchklingen!
Welch Schauspiel! Aber ach! ein Schauspiel nur!

Wo fass ich dich, unendliche Natur?
Euch Brüste, wo? Ihr Quellen alles Lebens,
An denen Himmel und Erde hängt,
Dahin die welke Brust sich drängt-
Ihr quellt, ihr tränkt, und schmacht ich so vergebens?

(Er schlägt unwillig das Buch um und erblickt das Zeichen des Erdgeistes.)
Wie anders wirkt dies Zeichen auf mich ein!
Du, Geist der Erde, bist mir näher;
Schon fühl ich meine Kräfte höher,
Schon glüh ich wie von neuem Wein.
Ich fühle Mut, mich in die Welt zu wagen,
Der Erde Weh, der Erde Glück zu tragen,
Mit Stürmen mich herumzuschlagen
Und in des Schiffbruchs Knirschen nicht zu zagen.
Es wölkt sich über mir-
Der Mond verbirgt sein Licht-
Die Lampe schwindet!
Es dampft! Es zucken rote Strahlen
Mir um das Haupt- Es weht
Ein Schauer vom Gewölb herab
Und faßt mich an!
Ich fühl's, du schwebst um mich, erflehter Geist
Enthülle dich!
Ha! wie's in meinem Herzen reißt!
Zu neuen Gefühlen
All meine Sinnen sich erwühlen!
Ich fühle ganz mein Herz dir hingegeben!
Du mußt! du mußt! und kostet es mein Leben!
Ah ! philosophie, jurisprudence et médecine, pour mon malheur ! théologie aussi, j’ai tout approfondi avec une ardeur laborieuse ; et maintenant me voici là, pauvre fou ! aussi sage qu’auparavant. Je m’intitule, il est vrai, maître, docteur, et, depuis dix ans, deçà, delà, en long, en large, je traîne mes élèves par le nez, – et vois que nous ne pouvons rien savoir !… Voilà ce dont mon cœur est presque consumé. En effet, j’en sais plus que tous les sots, docteurs, maîtres, clercs ou moines ; aucun scrupule, aucun doute ne me tourmente, je ne crains ni enfer ni diable, – et, grâce à tout cela aussi, toute joie m’est ravie ; je sens que je ne sais rien de bon ; je sens que je ne puis rien enseigner aux hommes pour les rendre meilleurs ou les convertir. Aussi n’ai-je ni biens, ni argent, ni honneur, ni crédit dans le monde ; un chien ne voudrait pas de la vie à ce prix-là : c’est pourquoi je me suis adonné à la magie. Oh ! si par la force de l’esprit et de la parole, certains mystères m’étaient révélés ! Si je n’étais plus obligé de suer sang et eau pour dire ce que j’ignore ! Si je pouvais savoir ce que contient le monde dans ses entrailles, assister au spectacle de toute activité, de la fécondation, et ne plus faire un trafic de paroles creuses ! Oh ! que tu jetasses un dernier regard sur ma misère, rayon de la lune argentée, toi qui m’as vu tant de fois, après minuit, veiller à ce pupitre ! alors c’était sur un amas de livres et de papiers, ma pauvre amie, que tu m’apparaissais ! Hélas ! si je pouvais, sur les hauteurs des montagnes, errer dans ta douce lumière, flotter dans les grottes profondes avec les Esprits, tourbillonner sur les prés dans ton crépuscule, et, libre de toute angoisse de science, me baigner, sain et sauf, dans ta rosée ! Malheur ! dois-je languir encore dans ce cachot ? damné trou de muraille ténébreux, où la douce lumière du ciel ne pénètre elle-même que plombée, à travers des vitraux peints ! J’ai pour horizon cet amas de livres rongés par les vers, couverts de poussière, et qu’un tas de papiers enfumés entoure jusqu’au plafond. Incessamment autour de moi des verres, des boîtes, des instruments vermoulus, héritage de mes ancêtres. – Et cela est un monde ! cela s’appelle un monde ! Et tu demandes encore pourquoi ton cœur se serre avec angoisse dans ta poitrine ? pourquoi une douleur inexplicable arrête en toi toute pulsation vitale, toi qui, dans la fumée et la moisissure, au lieu de la nature vivante au sein de laquelle Dieu créa les hommes, n’as autour de toi que squelettes d’animaux et ossements humains ? Fuis ! courage ! alerte ! dans le libre espace ! Eh ! ce livre mystérieux, de la propre main de Nostradamus, n’est-ce point un guide suffisant ? Alors tu connaîtras le cours des étoiles, et, si la Nature daigne t’instruire, tu sentiras s’épanouir en toi la force de l’âme, et tu sauras comment un esprit parle à un autre esprit. Vainement, à l’aide d’un sens aride, tu cherches à pénétrer les signes sacrés. Esprits, vous qui flottez autour de moi, répondez-moi, si vous m’entendez ! Et tu demandes encore pourquoi ton cœur se serre avec angoisse dans ta poitrine ? pourquoi une douleur inexplicable arrête en toi toute pulsation vitale, toi qui, dans la fumée et la moisissure, au lieu de la nature vivante au sein de laquelle Dieu créa les hommes, n’as autour de toi que squelettes d’animaux et ossements humains ? Fuis ! courage ! alerte ! dans le libre espace ! Eh ! ce livre mystérieux, de la propre main de Nostradamus, n’est-ce point un guide suffisant ? Alors tu connaîtras le cours des étoiles, et, si la Nature daigne t’instruire, tu sentiras s’épanouir en toi la force de l’âme, et tu sauras comment un esprit parle à un autre esprit. Vainement, à l’aide d’un sens aride, tu cherches à pénétrer les signes sacrés. Esprits, vous qui flottez autour de moi, répondez-moi, si vous m’entendez ! (Il ouvre le livre, et aperçoit le signe du Microcosme.) Ah ! comme à cette vue tous mes sens ont tressailli ! je sens la jeune et sainte volupté de la vie bouillonner dans mes nerfs et dans mes veines. Était-ce un dieu qui traça ces signes qui apaisent le vertige de mon âme, emplissent de joie mon pauvre cœur, et dans un élan mystérieux dévoilent autour de moi les forces de la nature ? Suis-je un dieu ? Tout me devient si clair : je vois dans ces simples traits la nature active se révéler à mon âme. Maintenant, pour la première fois, je reconnais la vérité de cette parole du Sage : « Le monde des Esprits n’est point fermé. » Ton sens est obtus, ton cœur est mort ! Debout baigne, disciple, infatigablement ta poitrine terrestre dans la pourpre de l’aurore ! (Il contemple le signe.) Comme tout se meut pour l’œuvre universelle ! comme toutes les activités travaillent et vivent l’une dans l’autre ! comme les forces célestes montent et descendent, et se passent de main en main les seaux d’or, et, sur leurs ailes d’où la bénédiction s’exhale, du ciel à la terre incessamment portées, remplissent l’univers d’harmonie ! Quel spectacle ! mais, hélas ! rien qu’un spectacle. Où te saisir, ô Nature infinie ? et vous, mamelles, où ? Ô vous, sources de toute vie, auxquelles se suspendent le ciel et la terre ! vers vous le sein flétri se tourne ; vous coulez à torrents, vous abreuvez le monde, et moi je me consume en vain. Il tourne le feuillet avec dépit, et aperçoit le signe de l’Esprit de la terre.) Comme autrement agit ce signe sur moi ! Esprit de la terre, tu es proche ; déjà je sens mes forces s’accroître ; déjà je sens en moi comme l’ivresse du vin nouveau. Je me sens le cœur de m’aventurer dans le monde ; d’affronter la misère terrestre, le bonheur terrestre ; de lutter avec les tempêtes, de ne pas sourciller dans la débâcle du naufrage : le ciel se couvre, – la lune cache sa lumière, – la lampe meurt ! elle fume ! – des lueurs rouges tremblotent sur mes tempes ; – un frisson pénétrant tombe d’en haut et me saisit ! Je le sens, tu flottes autour de moi, Esprit que j’invoque ! Dévoile-toi ! Ah ! quel déchirement dans mon cœur ! Vers de nouveaux sentiments tout mon être se précipite. – Je sens mon cœur entier se livrer à toi. – Apparais ! tu le dois, m’en coûtât-il la vie !
(Er faßt das Buch und spricht das Zeichen des Geistes geheimnisvoll aus. Es zuckt eine rötliche Flamme, der Geist erscheint in der Flamme.)
(Il saisit le livre et prononce mystérieusement le signe de l’Esprit. Une flamme rougeâtre tremblote ; l’Esprit apparaît dans la flamme.)
GEIST:
L’ESPRIT:
Wer ruft mir?
Qui m’appelle ?
FAUST (abgewendet):
FAUST détournant la tête.
Schreckliches Gesicht!
Vision terrible !
GEIST:
L’ESPRIT:
Du hast mich mächtig angezogen,
An meiner Sphäre lang gesogen,
Und nun?
Tu m’as évoqué par ta puissance ; tu m’as contraint, par ta longue aspiration, à sortir de ma sphère, – et maintenant…
FAUST:
Faust:
Weh! ich ertrag dich nicht!
Malheur ! ta présence m’accable.
GEIST:
L’ESPRIT:
Du flehst, eratmend mich zu schauen,
Meine Stimme zu hören, mein Antlitz zu sehn;
Mich neigt dein mächtig Seelenflehn,
Da bin ich!- Welch erbärmlich Grauen
Faßt Übermenschen dich! Wo ist der Seele Ruf?

Wo ist die Brust, die eine Welt in sich erschuf
Und trug und hegte, die mit Freudebeben
Erschwoll, sich uns, den Geistern, gleich zu heben?

Wo bist du, Faust, des Stimme mir erklang,
Der sich an mich mit allen Kräften drang?
Bist du es, der, von meinem Hauch umwittert,
In allen Lebenslagen zittert,
Ein furchtsam weggekrümmter Wurm?
Tu t’épuises à me demander ; – tu veux ouïr ma voix, contempler ma face. – Je cède à l’évocation puissante de ton âme ; – me voici. – Quelle misérable terreur te saisit, toi, surhumain ! Où donc est cette vocation ? où donc le sein qui se créait un monde, le portait et le nourrissait, et, dans les palpitations de sa joie, se gonflait jusqu’à s’élever au niveau des Esprits ? Où donc es-tu, Faust, dont la voix sonnait à mes oreilles ? qui t’élançais vers moi de toutes tes forces ? Es-tu bien ce Faust, toi chez qui mon souffle porte l’épouvante jusque dans les profondeurs de la vie ? Vermisseau tremblant et recoquillé !
FAUST:
Faust:
Soll ich dir, Flammenbildung, weichen?
Ich bin's, bin Faust, bin deinesgleichen!
Reculerai-je devant toi, spectre de flamme ? Oui, je suis Faust, Faust, ton égal.
GEIST:
L’ESPRIT:
In Lebensfluten, im Tatensturm
Wall ich auf und ab,
Wehe hin und her!
Geburt und Grab,
Ein ewiges Meer,
Ein wechselndes Wehen,
Ein glühend Leben,
So schaff ich am laufenden Webstuhl der Zeit
Und wirke der Gottheit lebendiges Kleid.
Dans les flots de la vie, dans l’orage de l’action, je monte et descends, flotte ici et là : naissance, tombeau, mer éternelle, tissu changeant, vie ardente ! Ainsi je travaille sur le bruyant métier du temps, et tisse le manteau vivant de la Divinité.
FAUST:
Faust:
Der du die weite Welt umschweifst,
Geschäftiger Geist, wie nah fühl ich mich dir!
Ô toi qui flottes autour du vaste monde, combien je sens que je t’approche, infatigable Esprit !
GEIST:
ESPÍRITU
Du gleichst dem Geist, den du begreifst,
Nicht mir! (verschwindet)
Tu ressembles à l’Esprit que tu conçois, pas à moi.
FAUST (zusammenstürzend):
Faust: (desplomándose)
Nicht dir?
Wem denn?
Ich Ebenbild der Gottheit!
Und nicht einmal dir!
(es klopft)
O Tod! ich kenn's- das ist mein Famulus-
Es wird mein schönstes Glück zunichte!
Daß diese Fülle der Geschichte
Der trockne Schleicher stören muß!
Pas à toi ! à qui donc ? Moi l’image de la Divinité, et pas même à toi ! (On frappe.) Ô mort ! je le devine, c’est mon Famulus ; voilà tout mon bonheur à néant. Ah ! que ce froid importun vienne se jeter à travers cette plénitude d’apparitions !
Wagner im Schlafrock und der Nachtmütze, eine Lampe in der Hand. Faust wendet sich unwillig.
Entre Wagner, en robe de chambre et en bonnet de nuit, une lampe à la main ; Faust se détourne avec humeur.
WAGNER:
WAGNER:
Verzeiht! ich hör euch deklamieren;
Ihr last gewiß ein griechisch Trauerspiel?
In dieser Kunst möcht ich was profitieren,
Denn heutzutage wirkt das viel.
Ich hab es öfters rühmen hören,
Ein Komödiant könnt einen Pfarrer lehren.
Pardon ! je vous entendais déclamer ; vous lisiez sans doute une tragédie grecque ? Je ne serais pas fâché de me pousser en avant dans cet art ; car aujourd’hui cela peut être fort utile. J’ai souvent ouï dire qu’un comédien pourrait en remontrer à un prédicateur.
FAUST:
Faust:
Ja, wenn der Pfarrer ein Komödiant ist;
Wie das denn wohl zuzeiten kommen mag.
Oui, quand le prédicateur est un comédien, comme il peut bien arriver parfois.
WAGNER:
WAGNER:
Ach! wenn man so in sein Museum gebannt ist,
Und sieht die Welt kaum einen Feiertag,
Kaum durch ein Fernglas, nur von weitem,
Wie soll man sie durch Überredung leiten?
Oh ! lorsqu’on est toujours relégué dans son cabinet, et qu’on ne voit guère le monde qu’aux jours de fête, à peine encore, et de loin, au travers d’une lunette, comment apprendre à le conduire par la persuasion ?
FAUST:
Faust:
Wenn ihr's nicht fühlt, ihr werdet's nicht erjagen,
Wenn es nicht aus der Seele dringt
Und mit urkräftigem Behagen
Die Herzen aller Hörer zwingt.
Sitzt ihr nur immer! leimt zusammen,
Braut ein Ragout von andrer Schmaus
Und blast die kümmerlichen Flammen
Aus eurem Aschenhäuschen 'raus!
Bewundrung von Kindern und Affen,
Wenn euch darnach der Gaumen steht-
Doch werdet ihr nie Herz zu Herzen schaffen,
Wenn es euch nicht von Herzen geht.
Vous n’y atteindrez jamais si vous ne le sentez, si cela ne vous part point de l’âme, et si vous ne tirez avec enthousiasme de votre propre fonds de quoi entraîner les cœurs de tous les assistants. Restez enfoui éternellement, amalgamez les choses, faites-vous un ragoût des repas d’autrui, et tirez, à force de souffler, une misérable flamme de votre tas de cendres ! vous aurez l’admiration des enfants et des singes, si tel est votre goût ; mais vous n’agirez jamais sur le cœur des hommes, si votre éloquence ne part du cœur.
WAGNER:
WAGNER:
Allein der Vortrag macht des Redners Glück;
Ich fühl es wohl, noch bin ich weit zurück.
C’est pourtant le débit qui fait la fortune de l’orateur ; je le sens bien, mais je suis encore loin.
FAUST:
Faust:
Such Er den redlichen Gewinn!
Sei Er kein schellenlauter Tor!
Es trägt Verstand und rechter Sinn
Mit wenig Kunst sich selber vor!
Und wenn's euch Ernst ist, was zu sagen,
Ist's nötig, Worten nachzujagen?
Ja, eure Reden, die so blinkend sind,
In denen ihr der Menschheit Schnitzel kräuselt,
Sind unerquicklich wie der Nebelwind,
Der herbstlich durch die dürren Blätter säuselt!
Cherchez donc un succès honnête, et ne soyez pas des fous secouant leurs grelots. La raison et le bon sens n’ont pas besoin de tant d’art pour se produire ; et si vous avez quelque chose de sérieux à dire, quelle nécessité de faire la chasse aux mots ? Oui, vos discours si brillants, où vous ajustez à plaisir des rognures pour l’humanité, sont stériles comme les vents brumeux qui sifflent dans l’automne à travers les feuilles séchées.
WAGNER:
WAGNER:
Ach Gott! die Kunst ist lang;
Und kurz ist unser Leben.
Mir wird, bei meinem kritischen Bestreben,
Doch oft um Kopf und Busen bang.
Wie schwer sind nicht die Mittel zu erwerben,
Durch die man zu den Quellen steigt!
Und eh man nur den halben Weg erreicht,
Muß wohl ein armer Teufel sterben.
Ah ! Dieu ! l’art est long, et notre vie est courte ! Moi, au milieu de mes élucubrations critiques, je sens souvent ma tête et mon cœur qui se troublent. Que de difficultés pour acquérir les moyens de remonter aux sources ! Et encore, avant d’avoir fourni seulement la moitié du chemin, c’est qu’un pauvre diable peut très bien mourir.
FAUST:
Faust:
Das Pergament, ist das der heil'ge Bronnen,
Woraus ein Trunk den Durst auf ewig stillt?
Erquickung hast du nicht gewonnen,
Wenn sie dir nicht aus eigner Seele quillt.
Le parchemin est-il donc la source sacrée où la soif de l’âme doive s’apaiser à jamais ? Tu n’as pas atteint les grâces de la consolation, si elle ne jaillit pas des sources mêmes de ton cœur.
WAGNER:
WAGNER:
Verzeiht! es ist ein groß Ergetzen,
Sich in den Geist der Zeiten zu versetzen;

Zu schauen, wie vor uns ein weiser Mann gedacht,
Und wie wir's dann zuletzt so herrlich weit gebracht.
Pardonnez-moi, c’est une grande jouissance que de se transporter dans l’esprit des temps passés, de voir comme un sage a pensé avant nous, et comme nous, ensuite, nous l’avons vaillamment dépassé de si loin !
FAUST:
Faust:
O ja, bis an die Sterne weit!
Mein Freund, die Zeiten der Vergangenheit
Sind uns ein Buch mit sieben Siegeln.
Was ihr den Geist der Zeiten heißt,
Das ist im Grund der Herren eigner Geist,
In dem die Zeiten sich bespiegeln.
Da ist's denn wahrlich oft ein Jammer!

Man läuft euch bei dem ersten Blick davon.
Ein Kehrichtfaß und eine Rumpelkammer
Und höchstens eine Haupt- und Staatsaktion
Mit trefflichen pragmatischen Maximen,
Wie sie den Puppen wohl im Munde ziemen!
Oh ! oui, jusqu’aux étoiles ! Mon ami, les siècles du passé sont pour nous un livre à sept cachets. Ce que vous appelez l’esprit des siècles n’est, au fond, que l’esprit individuel de ces messieurs, où se réfléchissent les siècles. À vrai dire, c’est souvent une misère, et le premier regard suffit pour vous faire fuir ; un sac à ordures, un vieux garde-meuble, ou tout au plus une pièce à grand spectacle avec de belles maximes de morale, comme on en met dans la bouche des marionnettes.
WAGNER: WAGNER:
Allein die Welt! des Menschen Herz und Geist!
Möcht jeglicher doch was davon erkennen.
Mais le monde ! le cœur et l’esprit de l’homme ! chacun, cependant, voudrait savoir quelque chose de cela.
FAUST: Faust:
Ja, was man so erkennen heißt!
Wer darf das Kind beim Namen nennen?

Die wenigen, die was davon erkannt,
Die töricht g'nug ihr volles Herz nicht wahrten,

Dem Pöbel ihr Gefühl, ihr Schauen offenbarten,

Hat man von je gekreuzigt und verbrannt.
Ich bitt Euch, Freund, es ist tief in der Nacht,
Wir müssen's diesmal unterbrechen.
Oui, ce qu’on appelle savoir. Qui peut se vanter de donner à l’enfant son vrai nom ? Le peu d’hommes qui en ont su quelque chose, et qui ont été assez fous pour laisser déborder leurs âmes, et révéler au peuple leurs sentiments et leurs vues, on les a de tout temps sacrifiés et brûlés. Excusez-moi, mon ami, la nuit est avancée, et, pour cette fois, nous en resterons là.
WAGNER: WAGNER:
Ich hätte gern nur immer fortgewacht,
Um so gelehrt mit Euch mich zu besprechen.
Doch morgen, als am ersten Ostertage,
Erlaubt mir ein' und andre Frage.

Mit Eifer hab' ich mich der Studien beflissen;
Zwar weiß ich viel, doch möcht' ich alles wissen.
(Ab.)
J’aurais volontiers veillé plus longtemps pour continuer à causer science avec vous. Mais demain, premier jour de Pâques, vous voudrez bien me permettre une ou deux questions. Je me suis adonné avec ardeur à l’étude ; je sais beaucoup, il est vrai ; mais je voudrais tout savoir. (Exit.)
FAUST (allein): FAUST, seul.
Wie nur dem Kopf nicht alle Hoffnung schwindet,
Der immerfort an schalem Zeuge klebt,
Mit gier'ger Hand nach Schätzen gräbt,
Und froh ist, wenn er Regenwürmer findet!
Darf eine solche Menschenstimme hier,
Wo Geisterfülle mich umgab, ertönen?


Doch ach! für diesmal dank ich dir,
Dem ärmlichsten von allen Erdensöhnen.
Du rittest mich von der Verzweiflung los,
Die mir die Sinne schon zerstören wollte.

Ach! die Erscheinung war so riesengroß,
Daß ich mich recht als Zwerg empfinden sollte.
Ich, Ebenbild der Gottheit, das sich schon
Ganz nah gedünkt dem Spiegel ew'ger Wahrheit,
Sein selbst genoß in Himmelsglanz und Klarheit,
Und abgestreift den Erdensohn;

Ich, mehr als Cherub, dessen freie Kraft
Schon durch die Adern der Natur zu fließen
Und, schaffend, Götterleben zu genießen
Sich ahnungsvoll vermaß, wie muß ich's büßen!
Ein Donnerwort hat mich hinweggerafft.

Nicht darf ich dir zu gleichen mich vermessen;
Hab ich die Kraft dich anzuziehn besessen,
So hatt ich dich zu halten keine Kraft.
Zu jenem sel'gen Augenblicke
Ich fühlte mich so klein, so groß;
Du stießest grausam mich zurück,
Ins ungewisse Menschenlos.
Wer lehret mich? was soll ich meiden?
Soll ich gehorchen jenem Drang?
Ach! unsre Taten selbst, so gut als unsre Leiden,
Sie hemmen unsres Lebens Gang.
Dem Herrlichsten, was auch der Geist empfangen,
Drängt immer fremd und fremder Stoff sich an;
Wenn wir zum Guten dieser Welt gelangen,
Dann heißt das Beßre Trug und Wahn.
Die uns das Leben gaben, herrliche Gefühle
Erstarren in dem irdischen Gewühle.
Wenn Phantasie sich sonst mit kühnem Flug
Und hoffnungsvoll zum Ewigen erweitert,
So ist ein kleiner Raum ihr genug,
Wenn Glück auf Glück im Zeitenstrudel scheitert.

Die Sorge nistet gleich im tiefen Herzen,

Dort wirket sie geheime Schmerzen,
Unruhig wiegt sie sich und störet Luft und Ruh;
Sie deckt sich stets mit neuen Masken zu,
Sie mag als Haus und Hof, als Weib und Kind erscheinen,
Als Feuer, Wasser, Dolch und Gift;
Du bebst vor allem, was nicht trifft,
Und was du nie verlierst, das mußt du stets beweinen.
Den Göttern gleich ich nicht! zu tief ist es gefühlt;
Dem Wurme gleich ich, der den Staub durchwühlt,
Den, wie er sich im Staube nährend lebt,
Des Wandrers Tritt vernichtet und begräbt.
Ist es nicht Staub, was diese hohe Wand
Aus hundert Fächern mit verenget?
Der Trödel, der mit tausendfachem Tand
In dieser Mottenwelt mich dränget?
Hier soll ich finden, was mir fehlt?
Soll ich vielleicht in tausend Büchern lesen,
Daß überall die Menschen sich gequält,
Daß hie und da ein Glücklicher gewesen?-
Was grinsest du mir, hohler Schädel, her?
Als daß dein Hirn, wie meines, einst verwirret
Den leichten Tag gesucht und in der Dämmrung schwer,
Mit Luft nach Wahrheit, jämmerlich geirret.
Ihr Instrumente freilich spottet mein,
Mit Rad und Kämmen, Walz und Bügel:
Ich stand am Tor, ihr solltet Schlüssel sein;
Zwar euer Bart ist kraus, doch hebt ihr nicht die Riegel.
Geheimnisvoll am lichten Tag
Läßt sich Natur des Schleiers nicht berauben,
Und was sie deinem Geist nicht offenbaren mag,
Das zwingst du ihr nicht ab mit Hebeln und mit Schrauben.
Du alt Geräte, das ich nicht gebraucht,
Du stehst nur hier, weil dich mein Vater brauchte.
Du alte Rolle, du wirst angeraucht,
Solang an diesem Pult die trübe Lampe schmauchte.
Weit besser hätt ich doch mein Weniges verpraßt,
Als mit dem Wenigen belastet hier zu schwitzen!
Was du ererbt von deinem Vater hast,
Erwirb es, um es zu besitzen.
Was man nicht nützt, ist eine schwere Last,
Nur was der Augenblick erschafft, das kann er nützen.
Doch warum heftet sich mein Blick auf jene Stelle?
Ist jenes Fläschchen dort den Augen ein Magnet?
Warum wird mir auf einmal lieblich helle,
Als wenn im nächt'gen Wald uns Mondenglanz umweht?
Ich grüße dich, du einzige Phiole,
Die ich mit Andacht nun herunterhole!
In dir verehr ich Menschenwitz und Kunst.
Du Inbegriff der holden Schlummersäfte,
Du Auszug aller tödlich feinen Kräfte,
Erweise deinem Meister deine Gunst!
Ich sehe dich, es wird der Schmerz gelindert,
Ich fasse dich, das Streben wird gemindert,
Des Geistes Flutstrom ebbet nach und nach.
Ins hohe Meer werd ich hinausgewiesen,
Die Spiegelflut erglänzt zu meinen Füßen,
Zu neuen Ufern lockt ein neuer Tag.
Ein Feuerwagen schwebt, auf leichten Schwingen,
An mich heran! Ich fühle mich bereit,
Auf neuer Bahn den Äther zu durchdringen,
Zu neuen Sphären reiner Tätigkeit.
Dies hohe Leben, diese Götterwonne!
Du, erst noch Wurm, und die verdienest du?
Ja, kehre nur der holden Erdensonne
Entschlossen deinen Rücken zu!
Vermesse dich, die Pforten aufzureißen,
Vor denen jeder gern vorüberschleicht!
Hier ist es Zeit, durch Taten zu beweisen,
Das Manneswürde nicht der Götterhöhe weicht,
Vor jener dunkeln Höhle nicht zu beben,
In der sich Phantasie zu eigner Qual verdammt,
Nach jenem Durchgang hinzustreben,

Um dessen engen Mund die ganze Hölle flammt;
In diesem Schritt sich heiter zu entschließen,
Und wär es mit Gefahr, ins Nichts dahin zu fließen.

Nun komm herab, kristallne reine Schale!
Hervor aus deinem alten Futterale,
An die ich viele Jahre nicht gedacht!
Du glänzetst bei der Väter Freudenfeste,
Erheitertest die ernsten Gäste,

Wenn einer dich dem andern zugebracht.
Der vielen Bilder künstlich reiche Pracht,
Des Trinkers Pflicht, sie reimweis zu erklären,
Auf einen Zug die Höhlung auszuleeren,
Erinnert mich an manche Jugendnacht.
Ich werde jetzt dich keinem Nachbar reichen,
Ich werde meinen Witz an deiner Kunst nicht zeigen.
Hier ist ein Saft, der eilig trunken macht;
Mit brauner Flut erfüllt er deine Höhle.
Den ich bereit, den ich wähle,
"Der letzte Trunk sei nun, mit ganzer Seele,
Als festlich hoher Gruß, dem Morgen zugebracht!
(Er setzt die Schale an den Mund.)
Glockenklang und Chorgesang.
Et dire que jamais l’espérance ne délaisse le cerveau qui s’attache à des misères ! D’une main avide il fouille le sol espérant y découvrir des trésors, et se tient pour satisfait s’il vient à trouver un vermisseau. Faut-il qu’une pareille voix résonne ici à cette même place où la légion des Esprits m’environna ? N’importe ! pour cette fois je veux te savoir gré, ô le plus médiocre des enfants de la terre ! car tu m’arrachas au désespoir, qui déjà commençait à bouleverser mes sens. Ah ! l’apparition était si colossale, que j’ai dû me sentir un nain auprès d’elle. Moi l’image de la Divinité, qui déjà croyais toucher au miroir de l’éternelle vérité ; moi qui, dans tout l’éclat de la lumière céleste, participais à sa propre vie, dépouillant l’être humain ; moi plus qu’un chérubin, dont la force libre commençait à se répandre par les artères de la nature, et, créant, pressentait les voluptés divines, ah ! combien je dois expier mes efforts présomptueux ! Une parole foudroyante m’a terrassé. Non, il ne m’appartient pas de me mesurer avec toi. Car si j’ai possédé la force de t’attirer, je n’avais point celle de te retenir. Pendant cet instant bienheureux, je me sentais si petit et si grand ! Mais tu m’as repoussé violemment dans le sort incertain de l’humanité. Qui m’instruira maintenant ? Que dois-je éviter ? Dois-je céder à l’impulsion qui me pousse ? Hélas ! nos actions, non moins que nos souffrances, n’arrêtent la marche de notre vie. À tout ce que l’esprit conçoit de plus magnifique, des penchants grossiers s’opposent incessamment ! Pour peu que nous atteignions au bonheur de ce monde, nous traitons d’illusion et de mensonge tout ce qui vaut mieux que le bonheur, et les sentiments sublimes qui nous donnaient la vie périssent étouffés dans les intérêts de la terre. L’imagination, d’un vol hardi, aspire d’abord à l’éternité ; puis un petit espace suffit bientôt aux débris de toutes nos espérances trompées. L’ingratitude ne tarde point dès lors à se glisser au fond de notre cœur ; elle y engendre des douleurs secrètes, se remue, et détruit plaisir et repos. Chaque jour ce sont de nouveaux masques : le foyer ou la cour, une femme, un enfant, le feu, l’eau, le poignard et le poison. Vous tremblez devant tout ce qui ne saurait vous atteindre, et pleurez sans cesse ce que vous n’avez point perdu. Non, je ne me suis point comparé à la Divinité ; non : je sens ma misère ; c’est au ver que je ressemble ; il fouille la poussière, il s’y nourrit, et le pied du passant l’y écrase et l’y ensevelit. N’est-ce point de la poussière ce que cette haute muraille me montre là rangé sur cent tablettes qui m’étreignent ; tout ce fatras dont les mille oripeaux me refoulent dans ce monde vermoulu où j’existe ? Trouverai-je ici ce qui me manque ? Irai-je parcourir ces milliers de volumes pour y lire que partout les hommes se sont tourmentés sur leur sort, et que çà et là un heureux a paru ? Et toi, crâne vide, ton ricanement veut-il me dire que l’esprit qui t’habitait s’est jadis fourvoyé comme le mien ? Tu cherchais la pure lumière, n’est-ce pas ? et tu as erré misérablement dans les ténèbres avec ta soif de vérité. Vous tous, mes instruments, en vérité, vous vous moquez de moi, avec vos roues, et vos cylindres, et vos leviers. J’étais parvenu jusqu’à la porte, vous deviez me servir de clef. Mystérieuse en plein jour, la nature ne se laisse point dépouiller de ses voiles, et ce qu’elle veut cacher à ton esprit, tous tes efforts ne l’arracheront jamais de son sein. Vieil attirail dont je n’ai su que faire, c’est parce que tu servis jadis à mon père que je te trouve là sous mes yeux. Et toi, vieille poulie, es-tu noircie ! la lampe a si longtemps fumé à ce pupitre ! Mieux eût valu cent fois dissiper le peu que j’avais, que de succomber ici sous le fardeau du peu. Le bien dont tu hérites de tes pères, reconquiers-le pour le posséder. Ce dont on n’a pas besoin est un lourd fardeau ; cela seul est utile que le moment procure. Mais d’où vient que mon regard s’attache à cette place ? Ce flacon est-il un aimant pour les yeux ? D’où vient qu’une douce lueur tout à coup m’inonde, comme lorsqu’en un bois nocturne le clair de lune se répand sur vous ? Je te salue, fiole que je saisis avec recueillement ; en toi j’honore l’esprit de l’homme et sa science. Essence des sucs qui procurent doucement le sommeil, tu contiens toutes les forces subtiles qui tuent ; montre-toi favorable à ton maître. Je te vois, et ma douleur se calme ; je te saisis, et mon angoisse diminue, et peu à peu s’apaisent les fluctuations de mon esprit. Je vogue vers la haute mer, le flot limpide miroite à mes pieds, un nouveau jour m’attire à de nouveaux rivages. Un char de feu flotte vers moi sur des ailes rapides : j’y vais monter, je saurai parcourir les sphères éthérées, et m’ouvrir une voie nouvelle vers les régions de l’activité pure. Cette vie sublime, ces voluptés du ciel, tu n’es qu’un ver de terre encore, et tu penses les mériter ? Oui, et pour cela il te suffit de tourner résolument le dos au doux soleil de la terre. Allons, aie le courage d’enfoncer les portes devant lesquelles chacun ne passe qu’en frémissant ! Il est temps de montrer par des actes que la dignité humaine ne le cède en rien à la grandeur des dieux. Il est temps de ne plus trembler au bord de cet abîme, où l’imagination se condamne elle-même à ses propres tourments, et dont les flammes de l’enfer semblent défendre l’avenue. Il est temps enfin de franchir ce pas avec sérénité, dût-il nous conduire au néant. Sors maintenant de ton antique étui, coupe limpide, coupe de cristal, si longtemps oubliée ; tu brillais jadis aux fêtes des aïeux, et lorsque tu passais de main en main, les fronts soucieux se déridaient ; c’était le devoir du buveur de célébrer envers la richesse et de te vider d’un seul trait. Tu me rappelles mainte nuit de jeunesse. Cette fois je ne t’offrirai plus à mon voisin, et mon esprit ne s’exercera point à vanter l’artiste qui sut t’embellir. En toi repose une liqueur qui donne une rapide ivresse ; je l’ai préparée, je la choisis ; qu’elle soit pour moi le suprême breuvage ; je la consacre comme une libation solennelle à l’aurore du jour. (Il porte la coupe à ses lèvres.) SON DE CLOCHES ET CHANTS EN CHŒUR.
CHOR DER ENGEL: CHŒUR DES ANGES
Christ ist erstanden!
Freude dem Sterblichen,
Den die verderblichen,
Schleichenden, erblichen
Mängel unwanden.
Christ est ressuscité ! Paix et joie entière À ceux que sur la terre Entre ses plis enserre Le serpent de misère Et d’iniquité !
FAUST: Faust:
Welch tiefes Summen, welch heller Ton
Zieht mit Gewalt das Glas von meinem Munde?
Verkündigt ihr dumpfen Glocken schon
Des Osterfestes erste Feierstunde?
Ihr Chöre, singt ihr schon den tröstlichen Gesang,
Der einst, um Grabes Nacht, von Engelslippen klang,
Gewißheit einem neuen Bunde?
Quel bourdon solennel ! Quelles voix pures font tomber la coupe de mes lèvres ? Annoncez-vous déjà, cloches profondes, la première heure du jour de Pâques ? Et vous, chœurs, célébrez-vous déjà les chants consolateurs, qui jadis, dans la nuit du sépulcre, s’exhalèrent des lèvres des anges, gage d’une nouvelle alliance ?
CHOR DER WEIBER: CHŒUR DES FEMMES
Mit Spezereien
Hatten wir ihn gepflegt,
Wir seine Treuen
Hatten ihn hingelegt;
Tücher und Binden
Reinlich unwanden wir,
Ach! und wir finden
Christ nicht mehr hier.
D’huiles nouvelles Baignant son corps si beau, Nous, ses fidèles, L’avions mis au tombeau ; Nos mains fidèles Avaient de purs tissus, De bandelette, Couvert ses membres nus ; Mais, ô défaite ! Nous ne le trouvons plus.
CHOR DER ENGEL: CHŒUR DES ANGES
Christ ist erstanden!
Selig der Liebende,
Der die betrübende,
Heilsam und übende
Prüfung bestanden.
Christ ressuscite ! Heureux le cœur Que la douleur Éprouve, agite ! Heureux vraiment Le cœur aimant Qui, sans murmure, Souffre l’injure Et le tourment !
FAUST: Faust:
Was sucht ihr, mächtig und gelind,
Ihr Himmelstöne, mich am Staube?

Klingt dort umher, wo weiche Menschen sind.
Die Botschaft hör ich wohl, allein mir fehlt der Glaube;
Das Wunder ist des Glaubens liebstes Kind.
Zu jenen Sphären wag ich nicht zu streben,
Woher die holde Nachricht tönt;
Und doch, an diesen Klang von Jugend auf gewöhnt,
Ruft er auch jetzt zurück mich in das Leben.
Sonst stürzte sich der Himmelsliebe Kuß
Auf mich herab in ernster Sabbatstille;
Da klang so ahnungsvoll des Glockentones Fülle,
Und ein Gebet war brünstiger Genuß;
Ein unbegreiflich holdes Sehnen
Trieb mich, durch Wald und Wiesen hinzugehn,
Und unter tausend heißen Tränen
Fühlt ich mir eine Welt entstehn.
Dies Lieb verkündete der Jugend muntre Spiele,
Der Frühlingsfeier freies Glück;
Erinnrung hält mich nun, mit kindlichem Gefühle,
Vom letzten, ernsten Schritt zurück.
O tönet fort, ihr süßen Himmelslieder!
Die Träne quillt, die Erde hat mich wieder!
Cantiques célestes, puissants et doux, pourquoi me cherchez-vous dans la poussière ? Faites-vous entendre à ceux que vous pouvez consoler ; j’entends bien le message que vous m’apportez ; mais la foi me manque pour y croire, et le miracle est l’enfant bien-aimé de la foi. Je ne puis m’élever vers ces sphères d’où la bonne nouvelle retentit. Et cependant, accoutumé d’enfance à cette voix, elle me rappelle à la vie. Autrefois un baiser de l’amour divin descendait sur moi dans le recueillement solennel du dimanche. Le bruit des cloches remplissait mon âme de pressentiments, et ma prière était une jouissance extatique ; une ardeur sereine, indicible, me poussait à travers les bois et les champs, et là, je fondais en larmes et sentais en moi tout un monde. Cette cloche annonçait aussi les joyeux ébats de la jeunesse et les fêtes libres du printemps. Ce souvenir ranime en mon cœur les sentiments d’enfance et me détourne de la mort. Oh ! faites-vous entendre encore, chants célestes ! Une larme a coulé, la terre m’a reconquis.
CHOR DER JÜNGER: CHŒUR DES DISCIPLES
Hat der Begrabene
Schon sich nach oben,
Lebend Erhabene,
Herrlich erhoben;
Ist er in Werdeluft
Schaffender Freude nah:
Ach! an der Erde Brust
Sind wir zum Leide da.
Ließ er die Seinen
Schmachtend uns hier zurück;
Ach! wir beweinen,
Meister, dein Glück!
Hors du suaire, L’Immaculé Vers la lumière S’est envolé ! Tout ravi de renaître, Il monte au sein des cieux, Et nage, glorieux, Dans l’océan de l’être. Et nous, ah ! nous restons, Hélas ! pour notre peine, Aux terrestres sillons. Vers la clarté sereine Il a monté soudain, Laissant avec dédain Ses enfants dans la plaine. Ah ! Maître, au fond du cœur, Nous pleurons ton bonheur !
CHOR DER ENGEL: CHŒUR DES ANGES
Christ ist erstanden,
Aus der Verwesung Schoß.
Reißet von Banden
Freudig euch los!
Tätig ihn preisenden,
Liebe beweisenden,
Brüderlich speisenden,
Predigend reisenden,
Wonne verheißenden
Euch ist der Meister nah,
Euch ist er da!
Hosannah ! vite, Que vos fers soient brisés ! Âmes ardentes, Cœurs embrasés ! Âmes aimantes Compatissantes, Qui soulagez Pleurs et misères, Et partagez Avec vos frères ! Âmes sincères, Vous qui portez De tous côtés Le saints mystères ; Il vient ! déjà Le Maître est là.




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